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La portée de la crise internationale
«La crise fatale de 2008 a été évitée, mais pas les conséquences du sauvetage.» Professeur à l’Université de Sheffield, Andrew Gamble constate que les problèmes se sont déplacés. Il n’hésite pas à évoquer une sorte de course un peu désespérée pour gagner du temps. Taux bas, monnaie abondante, rien ne fonctionne vraiment pour revenir à l’état d’avant du monde. Et d’ailleurs, peut-on rechercher l’avant? La structure de l’environnement économique est devenue assez lourde à gérer, avec «des marchés intégrés et une grande fragmentation politique». En cas de nouvelle crise, personne ne sait trop ce qu’il faudra faire. «Il suffirait que les taux d’intérêt américains remontent rapidement ou que le dollar craque sous la pression de la dette de Washington.» L’expert britannique s’interroge également sur le possible isolationnisme d’une administration américaine version Trump. Cela conduirait à une dramatique guerre commerciale.
Gros cumul
Jadis, il fallait deux ou trois ans pour que l’Occident sorte de l’ornière. Aujourd’hui, huit ans après, rien ne se passe. Pire, les moteurs habituellement forts de la croissance ont des rendements faibles, voire inexistants. Les nouvelles technologies? Elles apportent moins de productivité que prévu. L’immigration? Elle est désormais surtout perçue comme un danger incontrôlé. Les ressources naturelles? Elles sont bon marché et sans effet sur la conjoncture, et de plus elles doivent être protégées. Du point de vue des politiques économiques, des hésitations apparaissent. «Nous ne savons plus très bien quelles sont les limites de la dette et de l’austérité.» La lutte contre l’évasion fiscale semble être un ultime réflexe pour tenter de redresser la barre. En 2016, la question de la résilience politique du monde est clairement posée. Les autorités chinoises redoutent des troubles sociaux de grande ampleur si la prospérité ne continue pas à se développer rapidement. En Europe, l’extrême-droite, l’extrême-gauche et des mouvements nouveaux tentent de réécrire le pacte social, parfois sur fond de violence.
Oh! L'Euro
«Comment ne pas voir que la crise actuelle de l’euro se confond avec une crise politique d’appartenance à un groupement politique, l’Union européenne, et à une crise des représentations qu’on se faisait de l’euro avant la crise?», explique le sociologue et économiste français Bruno Théret. En d’autres termes, il y a une gêne collective devant une monnaie que l’on dit pratiquement irréversible et qui n’a pas apporté toute la prospérité espérée et promise.
La politique monétaire unique (et non pas commune) est descendue dans la rue: les habitants de la zone euro utilisent au quotidien une devise dans laquelle ils n’ont pas vraiment confiance. «L’euro ne symbolise pas une communauté préexistante marquant sa souveraineté en établissant sa propre unité de compte, ce qui entretient un doute sur sa capacité à faire surgir une telle communauté politique de valeurs.» Ainsi, à la perte de confiance dans l’euro sur les marchés financiers mesurables, par exemple dans le taux de change, viendrait s’ajouter une méfiance beaucoup plus structurelle.
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