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Règle des 8 jours: au delà de l'égo
Un journal dominical a consacré une partie de sa Une à la saga de l’été sur la règle des 8 jours. Et de la résumer en une guerre des egos entre 3 hommes sur le départ: le président de la commission européenne Juncker, le Conseiller fédéral Schneider-Ammann et le président de l’USS (Union syndicale suisse) Reichsteiner. Certes, on ne peut jamais exclure que l’ego s’invite dans une discussion entre personnalités fortes… Mais l’explication serait un peu courte, et éluderait la menace que ce débat fait peser sur le pacte passé avec les Suisses sur les questions européennes.
Pour rappel, cette règle demande que les entreprises européennes accomplissant des missions en Suisse annoncent 8 jours avant le début des travaux les prestations de service fournies sur le marché suisse. L’obligation d’annonce est valable en règle générale pour toutes les missions de 8 jours et plus, et dès le premier jour dans certains secteurs sensibles. Elle constitue une des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes prévues pour permettre de contrôler le bon respect des règles du jeu sur notre marché. Par la voix de son commissaire, l’UE estime ce délai entravant et demande qu’on le réduise. Dans le contexte de discussions sur un accord-cadre, le Conseil fédéral semblait prêt à acquiescer et souhaitait en discuter avec les partenaires sociaux. Estimant être mis devant le fait accompli, le patron de l’USS a sèchement décliné l’invitation, entraînant l’ensemble des syndicats dans cette politique de la chaise vide.
On peut discuter de la portée de la décision de l’USS, pas forcément constructive. Et que le Conseil fédéral étudie différentes options pour permettre à notre pays d’assurer la sécurité de ses relations avec son principal partenaire paraît non seulement normal mais nécessaire. Mais dans son enthousiasme à trouver un accord, il a peut-être un peu vite perdu de vue que le maintien de nos relations avec l’UE dépend également de la confiance des Suisses dans les outils de régulation du marché du travail. Car c’est ainsi qu’ont été conçues les mesures d’accompagnement: pour que le marché du travail reste ouvert et souple (ce qui est capital pour un petit pays comme la Suisse), des garanties doivent être apportées contre les risques de dérives. La règle des 8 jours est l’une de ces cautèles. Celle-ci peut bien sûr être remaniée car rien n’est immuable. Mais pour que cet outil reste efficace, il faut lui donner les moyens de fonctionner. Le Conseil fédéral ne peut donc se contenter de dire «qu’avec l’informatique, les délais peuvent être réduits», d’autant qu’il ne lui aura pas échappé que cette technologie existait déjà en 2004 au moment de l’introduction de la mesure. Ce qui compte dans ce dossier, ce n’est pas tant le temps que l’annonce met pour parvenir aux organes de contrôle que celui dont ces derniers ont besoin pour organiser les contrôles. Si le Conseil fédéral estime que ce délai doit être réduit, il doit alors donner aux cantons les moyens de renforcer l’efficience des contrôles. Il en va la confiance des Suisses envers les outils d’autorégulation. Qui sont un élément fondamental pour assurer l’ouverture si vitale à notre pays.
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